Lettre ouverte – Journée mondiale de l’alimentation : Transformer les aliments et l’avenir
Par Beth Hunter, directrice de Terre à table et co-fondatrice d’Équiterre, et Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).
Cet été, les fermes québécoises ont affronté une nouvelle saison de conditions extrêmes qui ont fragilisé les producteurs. Sécheresses, récoltes compromises et multiplication des avis de dommages aux cultures en témoignent.
Pendant ce temps, le coût de l’alimentation ne cesse de grimper, nourrissant l’inquiétude des ménages. Entre ces deux réalités — le champ et la table — se trouve un maillon décisif mais trop souvent absent du débat : les transformateurs d’aliments et de boissons. Par leurs choix d’approvisionnement, de partenariat et d’investissement, ils peuvent donner l’élan nécessaire pour bâtir un système alimentaire plus résilient.
Les transformateurs à la croisée des chemins
Les transformateurs sont au carrefour entre les fermes et nos assiettes. Lorsqu’ils soutiennent techniquement et financièrement leurs fournisseurs, qu’ils valorisent les matières premières locales ou qu’ils innovent dans leurs modèles d’approvisionnement, ils créent un effet de levier qui profite à toute la société. Sans leur engagement, les efforts des producteurs risquent de s’essouffler, et les choix individuels des consommateurs, aussi conscients soient-ils, ne suffisent pas à transformer le système.
Des initiatives qui ouvrent la voie
Au Canada, certaines grandes entreprises adoptent des objectifs ambitieux en agriculture régénératrice afin de sécuriser leurs approvisionnements et réduire leur empreinte environnementale. Ici au Québec, des initiatives inspirantes émergent et illustrent ce potentiel.
Farinart et les Moulins de Soulanges paient une prime aux agriculteurs et offrent un accompagnement technique pour soutenir la culture de céréales locales issue de pratiques responsables. Agropur participe à l’avancement de l’objectif net zero du secteur laitier. Maison Orphée et le producteur en serre Gen V, certifiés B Corp, démontrent qu’il est possible d’allier performance économique et engagement envers sa communauté. Quantifiés et communiqués de façon transparente, ces efforts établissent un lien de confiance tant auprès des consommateurs que de la chaîne d’approvisionnement.
Ces initiatives montrent la voie : les transformateurs peuvent être des alliés puissants pour renforcer la résilience alimentaire, créer de la valeur ici et répondre aux attentes des citoyens.
Un système à réinventer ensemble
L’adaptation aux changements climatiques représente un immense défi, mais aussi une occasion unique de repenser nos façons de produire, transformer et distribuer nos aliments. La transition vers une autonomie alimentaire durable ne peut pas reposer uniquement sur les épaules des producteurs ou sur les décisions d’achat des consommateurs. Elle exige un effort collectif, une responsabilité assumée par les transformateurs et un appui clair des politiques publiques.
Le virage est amorcé, mais il reste fragile. Dans un contexte économique incertain, il est essentiel que les gouvernements, les institutions financières, les détaillants et les citoyens reconnaissent et soutiennent les entreprises qui, malgré les pressions à court terme, choisissent d’investir dans leurs fournisseurs agricoles et de miser sur des pratiques durables. C’est en appuyant dès aujourd’hui ces acteurs qui relient nos fermes à nos assiettes que nous pourrons assurer l’avenir de notre alimentation au Québec.






